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État des lieux : des vignerons résilients
Un exercice en recul, mais une capacité d’adaptation et une clientèle revenue. « En début de confinement, nous avions connu beaucoup de frayeurs. Notre exercice comptable, clôturé fin juillet, se solde finalement par une récession moins marquée que prévu, à - 8 % », explique Arnaud Elgoyhen, directeur du développement commercial et marketing de la cave de Labastide de Levis (50 salariés, CA : 12,5 M€, 4,5 millions de cols par an dont 700.000 d’effervescents). Un tiers du chiffre d’affaires est réalisé par la vente aux particuliers, avec un gros service de vente par correspondance. « Le secteur de la restauration, très impacté, ne représente que 15 % de notre clientèle. De plus, notre situation privilégiée, dans une zone touristique (Tarn), a attiré beaucoup de vacanciers cet été », précise-t-il. La coopérative, qui regroupe 95 vignerons sur 900 hectares, s’est doté d’un parcours de visite scénographié en 2015 et d’une licence d’immatriculation en produits touristiques.
Du côté du CIVR (Vins du Roussillon), « on a subi, pendant le confinement, un coup d’arrêt auprès des cavistes et hôtels-restaurants, et à l’export, où aucune porte de sortie n’a pu être activée, explique Philippe Bourrier, président. L’export repart, depuis, de façon nuancée en fonction des situations politiques et sanitaires des pays. » Au-delà des contingences, « nous avons réinventé notre métier , en développant la vente à distance, notamment pour les particuliers. Les vignerons indépendants et les caves coopératives ont fourni un gros travail commercial. » Les ventes de vins secs et de vins doux naturels ont rebondi entre juillet et septembre, à des niveaux supérieurs par rapport à la même période en 2019.
Le CIVL (Vins du Languedoc) enregistre un chiffre d’affaires en baisse de 9 % à fin août sur une année glissante. « C’est rassurant. Nous étions à - 25 % pendant le confinement. Entre juin et août, nous avons retrouvé le même niveau que l’an dernier, analyse Miren de Lorgeril, présidente. Pendant le confinement, les Français se sont rabattus sur les entrées de gamme et le Bag- in-Box. Nous craignions que le phénomène perdure. Finalement, les ventes de vins d’appellation et en bouteille ont repris au déconfinement, notamment pour les terroirs de rouges : La Clape (+ 11 %), Faugères (+ 20 %), Minervois (+ 23 %). La consommation ‘confinée’ aura été un épiphénomène. » L’export connaît de grandes disparités. L’Angleterre progresse, « malgré le Brexit et le confinement dur outre-Manche ». Les débouchés sont toujours restreints en Chine et aux États-Unis, avec des éléments structurels défavorables, hors Covid : taxe Trump depuis l’automne 2019 aux États-Unis, droits de douane en Chine alors que les vins australiens, néo-zélandais et chiliens n’en ont plus.
L’annulation des salons de vignerons indépendants porte un coup dur à ce segment, qui représente 29 % de la production. « Ces salons, entre octobre et décembre, sont vitaux pour les vignerons indépendants, observe Miren de Lorgeril. Certains arrivent à vendre à distance. Pour les autres, la situation se complique. Les metteurs en marché, qui travaillent sur des marchés diversifiés, s’en sortent davantage. » Afin de soutenir les ventes directes en circuit court, et de générer du trafic vers les caveaux et les producteurs, le CIVL a lancé en juillet une nouvelle plateforme digitale. [1]. Les vignerons y proposent des expériences œnophiles inédites, à travers différentes thématiques (gourmandes, insolites, culturelles…).
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Dégustations virtuelles avec les clients internationaux
Pour maintenir le lien avec leur clientèle internationale, les marchés et les consommateurs, le CIVL a lancé des dégustations virtuelles en visioconférence, des voyages de presse en ligne et des partenariats avec des pure-players sur les marchés clés (wine.com aux États-Unis, Tanner’s au Royaume-Uni). L’effort se poursuit à l’automne par la mise en place d’une tournée de promotion auprès des cavistes (Lyon et Nantes pour cette première année), pour soutenir le réseau CHR. Pour 2021, le CIVL, qui compte un nouveau directeur général, Olivier Legrand, prépare une plateforme de marque renouvelée et une refonte de toute la communication des AOP du Languedoc et des IGP Sud de France.
Un millésime 2020 contrasté
Au sortir des vendanges, la cave Labastide de Levis anticipe un millésime « à - 4 % sur la récolte. Qualitativement, nous sommes sur une année normale, que l’on sublimera avec nos équipements techniques ». Du côté du CIVL, on prévoit « 5 % de plus que l’an dernier en volume », en évoquant « de belles vendanges, exceptionnellement précoces et qualitatives ».
Malgré le contexte sanitaire, qui a obligé les vignerons à prendre toutes les mesures barrières, la récolte s’annonce prometteuse, avec des rendements « dans la frange haute des maximum autorisés », précise le syndicat. Pour les vins du Roussillon, Philippe Bourrier redoute « de rester sous la barre des 500.000 hectolitres, toutes productions confondues, du fait de l’apparition de mildiou au printemps ». Mais le millésime devrait être « de qualité, du fait de températures basses en septembre, donnant une fraîcheur sympathiques aux vins blancs ».
Un plan de relance régional bien ciblé, selon les professionnels
Doté de 7 M€, le plan de relance de la Région Occitanie soutient les entreprises viticoles régionales à hauteur de 5,5 M€ (1 euro de subvention pour 1 euro investi par l’entreprise), les 5 interprofessions à hauteur de 1 M€ et une campagne d’affichage « Le vin c’est mieux en V.O., Vignobles Occitanie » à hauteur de 500.000 €.
En ciblant la commercialisation, le plan de relance de la Région Occitanie (1 euro de subvention pour 1 euro investi), actif jusqu’à fin 2021, « se penche sur un segment qui est souvent le parent pauvre des plans de relance », se félicite Philippe Bourrier. Autre point positif, d’après lui : il concerne « tout type d’entreprise et toute typologie de marché : cavistes, vente directe, grandes surfaces, export… Chaque entreprise peut trouver un levier pour multiplier les nouvelles actions permettant la commercialisation ». Alors que la date finale de souscription est fixée au 30 octobre, et que les vendanges sont terminées, les vignerons s’activent à remplir leurs dossiers. Les aides peuvent soutenir un site Internet marchand, une participation à des actions à l’export, des actions d’animations en grande surface… « Ce plan voit juste, car il faut se concentrer sur l’accès au marché », indique Philippe Bourrier.
Miren de Lorgeril salue un plan de relance « qui soutient les projets, qui aide ce qui bouge. Les actions commerciales et la mise en marché, c’est l’urgence ». Pour la première fois, les négociants (UEVM, Union des Entreprises vinicoles méridionales) et les producteurs sont tombés d’accord pour chasser en meute. « Nous avons compris qu’il faut être unis pour être plus forts dans la tourmente », résume la viticultrice.
La cave de Labastide de Levis va pour sa part percevoir 200.000 euros d’aides, pour financer des animations en grande distribution, ou encore l’acquisition d’équipements sur son domaine tarnais. Par exemple, des verres en polycarbonate, que les clients emportent, pour sécuriser les séances de dégustation, ou des distributeurs à vin automatiques pour éviter les attroupements autour d’un comptoir. « Sans ce plan de relance, nous n’aurions pas pu acquérir ces équipements. Et nous avons été aidés pour la constitution des dossiers, afin de pré-valider les montants », détaille Arnaud Elgoyhen. Autres actions prévues par le domaine, toujours pour des actions de commercialisation : le maintien du rythme de campagne emailing (19 par an), « alors que nous aurions levé le pied cette année, sans les aides », et des frais engagés pour la prospection à l’export. « Ainsi, malgré la conjoncture délicate, nous conservons des actions, en lançons de nouvelles et nous projetons sur l’exercice à venir », conclut-il.
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