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La pandémie va-t-elle contribuer à implanter des usines en Occitanie ? La crise sanitaire a mis en évidence l’urgence de la relocalisation d’activités stratégiques. Des chaînes d’approvisionnement ont été interrompues, au printemps, sur des produits vitaux – dispositifs médicaux, masques, charlottes, sur-blouses, gels hydroalcooliques…
« On s’est organisés un peu partout, souvent à l’échelon local et régional, pour arriver à partager les compétences et à produire », rappelle Jean-Marc Dessapt, directeur international d’Ad’Occ, agence de développement économique de la Région Occitanie. Passée la vague de l’urgence, il s’agit de se mettre en ordre de marche, pour le moyen terme (plan de relance) et le long terme (ramener des centres de décision en région, avec des productions relocalisées).
Cinq filières stratégiques identifiées en Occitanie
Cinq filières stratégiques sont prioritaires : santé, agroalimentaire, énergies, numérique et économie circulaire. À ce jour, environ 250 projets sont identifiés en Occitanie. D’où la création début 2021 de l’Agence régionale pour les investissements stratégiques (Aris). La Région Occitanie, la Banque des Territoires, des acteurs bancaires et industriels, composeront le capital de cette SAS.
Autre outil : un appel à localisation ou relocalisation à destination des entreprises « pour qu’elles nous proposent des projets entrant dans la relocalisation d’activités stratégiques, susceptibles d’être aidés. Il y a des attentes du côté des TPE-PME en région. Les entrepreneurs sont ravis du retour d’une politique industrielle en France ! » poursuit Jean-Marc Dessapt.
Forte attente des entrepreneurs d’Occitanie
Des besoins concrets de relocalisation sont déjà identifiés dans divers secteurs : batteries de véhicules électriques, panneaux photovoltaïques, composants électroniques, équipements de maintenance pour l’éolien… Au-delà de la relocalisation d’activités, des enjeux d’économie écologique et circulaire émergent. « La filière des batteries de véhicules électriques comprend le démantèlement, le recyclage et le réemploi », relève Ad’Occ. Les sujets d’indépendance sur des activités stratégiques et de souveraineté économique ne sont pas liés qu’au Covid-19 : guerre commerciale menée par Trump, intentions affichées par la Chine dans ses plans d’investissement pluriannuels… Le maintien, ou le retour, d’activités stratégiques en Occitanie, c’est aussi des emplois sauvegardés ou créés dans les territoires. « L’Occitanie est la seule région française qui, depuis 2 000, produit de l’emploi industriel en solde net positif », souligne-t-on à la Région Occitanie. Pierre-Damien Rochette, nouveau président de l’UIMM Méditerranée Ouest, se félicite du nouveau fablab, installée à Station M à Baillargues (34) avec l’aide de la Région Occitanie. « C’est un outil indispensable pour accompagner nos adhérents dans la digitalisation des process », observe-t-il. Dans sa PME, Mécanic Sud Industrie, la digitalisation a permis de réduire de 20 % les coûts de production.
Des catalyseurs pour la filière hydrogène
La Région Occitanie a constitué une offre de services, allant de l’accompagnement des entreprises à la relocalisation, jusqu’aux enjeux immobiliers ou fonciers, en passant par des aides (bas de bilan ou haut de bilan). « Nous proposons des terrains dérisqués, immédiatement aménageables, ne présentant pas de problématiques d’urbanisme, de pollution ou d’environnement », explique-t-on à la Région Occitanie. L’Aris prévoit 80 M€ de prises de participations dans des projets de relocalisation stratégique ces prochaines années. Premier exemple en région, à Béziers, où Cameron (Schlumberger), le CEA, Vinci et Vicat vont lancer la fabrication d’électrolyseurs pour la filière hydrogène, à travers la société de projet Genvia. Genvia vise la mise en œuvre industrielle de la technologie d’électrolyse haute température et réversible SOE (solid oxide electrolyzer) du CEA. Cette technologie de rupture peut offrir un moyen de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, utilisant de l’électricité renouvelable et de la chaleur fatale industrielle. L’Aris capitalisera à hauteur de 3,7 M€ dans cette société de projet.
Les coûts indirects d’une production délocalisée
« Je préfère payer quatre fois plus cher, plutôt que de délocaliser, indique Dominique Seau, PDG d’Eminence (sous-vêtements masculins), qui emploie 400 salariés à Aimargues et Sauve, dans le Gard. « Nos références sont renouvelées très vite. Il y a de grands risques à dépendre d’une usine unique, située à l’autre bout de l’Europe ou du monde. Au-delà des coûts, il faut intégrer les risques liés à certains pays, et les aléas de transport. » D’après le dirigeant, « les industriels doivent répondre au défi de l’économie circulaire et à la lutte contre le gaspillage, en délivrant une information sincère au consommateur. »
Occitanie Protect : un opérateur unique pour les équipements de protection individuelle
Impensable, aux yeux de la Région Occitanie, de continuer à importer des masques, en pleine pandémie, alors que le territoire a des compétences éprouvées et des outils industriels en matière de confection textile. La collectivité souhaite structurer une filière, relocaliser une partie de ces activités industrielles et garantir une autonomie en matière sanitaire à l’échelle régionale.
Avec l’appui de ses agences Arec et Ad’Occ, la Région Occitanie a lancé cet été Occitanie Protect, une filière 100 % occitane de production d’équipements de santé individuels, tels que les masques « barrières » et les sur-blouses.
C’est dans ce contexte qu’est né l’opérateur Occitanie Protect, créé par Ad’Occ (l’agence développement économique) et l’Arec (Agence régionale Energie Climat). Occitanie Protect va permettre de faire jouer des complémentarités, pas toujours à l’œuvre auparavant entre les sociétés du territoire. « Occitanie Protect passe des commandes à des entreprises régionales, puis revend les équipements de protection », explique Nicolas Schaeffer, directeur général d’Ad’Occ. L’opérateur a ainsi contractualisé une commande de 6 millions de masques et de 220 000 surblouses auprès de deux entreprises ariégeoises, Adient Fabrics (fabrication de tissu) et Biotex Technologie (vêtements techniques spécifiques). « Sur le mois de juillet, la commande d’Occitanie Protect a assuré la moitié du chiffre d’affaires d’Adient », glisse Nicolas Schaeffer. Adient Fabrics, qui emploie 112 emplois industriels, avait, dès le mois de mars, réorienté sa production, pour maintenir son activité.
« Le site, spécialisé dans les tissus pour les sièges automobiles, s’est diversifié dans le tissu pour les masques, surblouses et combinaisons », détaille Nicolas Schaeffer. Sur les 6 millions commandés, 1 million a déjà été revendu. Occitanie Protect répond à des appels d’offres lancés au niveau national : CNRS, Région Ile-de-France, Université de Nantes, Vinci… L’ARIS devrait accompagner Occitanie Protect dans son plan d’affaires 2021.