Sommaire de la page
Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée
Créée par la Région Occitanie, en réaction aux mesures de confinement prises face à l’épidémie du Covid-19, la plateforme solidarite-occitanie-alimentation permet aux particuliers de découvrir des producteurs et commerçants d’ici. Ces professionnels de l’agriculture, de l’agroalimentaire et des commerces alimentaires livrent leurs produits à domicile.
Une occasion de ravir les papilles sans bouger, et de soutenir les filières économiques locales. « Plus que jamais, l’économie régionale a besoin de notre solidarité. Restons chez nous, les producteurs locaux et commerçants de proximité s’organisent pour nous livrer à manger. Tous ensemble, nous pouvons soutenir leur activité en consommant local », déclare Carole Delga, présidente de la Région Occitanie.
Face au succès rencontré, la plateforme devrait continuer à fonctionner au-delà de la crise sanitaire. Depuis début avril, un nouveau module permet la mise en relation directe entre producteurs et GMS (grande distribution). Les Visages de l’économie ont rencontré deux professionnels engagés dans la démarche.
Guivarc’h : les produits de la mer au Min de Toulouse
« Je souhaiterais que la plateforme ne se limite pas à la crise du Covid-19. Il y a quelque chose à faire avec les particuliers, il faut saisir l’occasion ! », s’enthousiasme Boris Gourgue, directeur général de Guivarc’h, grossiste en produits de la mer.
Implanté au marché d’intérêt national (MIN) de Toulouse Métropole, Guivarc’h est propriétaire de la bien nommée marque ‘Les Criées Occitanes’, allusion aux criées des ports régionaux de Sète et de Port-la-Nouvelle, où elle va se fournir. Adhérente à la marque régionale Sud de France, l’entreprise compte trois restaurants dans la Ville rose : La Cabane, Le Cabanon et O Cochon qui fume. Des établissements aujourd’hui à l’arrêt, depuis les mesures de fermeture des commerces et de confinement de la population.
Dans ce contexte, la mise en ligne par la Région Occitanie de la plateforme solidarite-occitanie-alimentation est une aubaine. « Grâce à ce service, nous avons pu capter en trois jours une dizaine de nouveaux clients particuliers, alors que nous sommes d’ordinaire spécialisés dans la livraison de produits de la mer aux seuls professionnels (CHR, restauration collective), explique Boris Gourgue. Dans tout mal, il y a un bien à retirer. Les gens se rendent compte que les entreprises sont capables de fournir des produits locaux et de qualité. Et ils expriment une réelle demande de produits d’Occitanie, et de qualité. »
Des messages d’encouragement reçus
Les livreurs sont masqués et gantés, et les paiements sans contact privilégiés. « La distribution est très sécurisée d’un point de vue sanitaire », rassure-t-il.
L’entrepreneur a lancé un groupe Whatsapp, pour mettre en valeur les produits achetés la veille. « Et ce matin (20 mars, note), tout est parti ! La plateforme génère du bouche à oreille, et crée du lien social. C’est ça qui est excellent. » Les Criées Occitanes livrent des filets entiers jusqu’à 800 grammes chez les particuliers, qui découvrent les joies de la découpe de seiches ou autres loups. « Nous recevons des messages d’encouragement, ce qui est une belle récompense. Le fait que les produits soient entiers est la garantie qu’ils sont issus d’une pêche locale, maîtrisée et responsable. J’aimerais que, demain, une partie de la pêche d’Occitanie soit réservée à la restauration des collectivités et des établissements scolaires », ajoute Boris Gourgue.
La solidarité joue aussi entre locataires du MIN. « Notre voisine fait des paniers de fruits et légumes avec des producteurs de la région toulousaine. Elle ne peut pas livrer les particuliers, faute de logistique. On la dépanne, en croisant nos fichiers. »
Boris Gourgue se félicite de l’accompagnement de la Région Occitanie. « Quand nous avons créé notre marque Criées Occitanes, les rendez-vous auprès du port de Sète ont été facilités », observe-t-il. Par ailleurs, l’agence de développement économique régionale Ad’Occ a aidé à la construction d’un business plan solide. « Une aide décisive, car quand on lance une activité, on a des idées bonnes, et d’autres moins bonnes. Avec Ad’Occ, on a été tout de suite dans l’opérationnel et le concret. »
En savoir plus
La Table de Solange sublime la viande aveyronnaise
En temps normal, La Table de Solange, important éleveur-boucher aveyronnais (30 salariés, pour un chiffre d’affaires de 8 millions d’euros), ne travaille qu’avec des professionnels. Dont des tables bistronomiques et gastronomiques d’Occitanie : L’Epicurien (Albi), Une Table à deux (Toulouse), The Marcel (Sète), La Table Saint-Crescent (Narbonne), Le Mas de Boudan (Nîmes), Chez Camillou (Aumont-Aubrac)… Autant de clients fermés pendant la phase de confinement. Brice Bousquet (26 ans), avec son frère Lucas (23 ans) et ses cousins Frédéric (47 ans) et Thierry (45 ans), a référencé son entreprise sur la plateforme de la Région, pour proposer aux particuliers des colis de bœuf Aubrac, agneau de Roquefort, veau rosé, cochon Duroc…, ainsi qu’une gamme fromagerie (au lait cru, à la truffe, aux laits de vache et de brebis) ou un mix charcuterie-fromage. Le résultat est au-delà des espérances initiales. « Nous recevons des dizaines de commandes tous les jours », se félicite Brice Bousquet.
Les réseaux sociaux connectent l’établissement à la clientèle urbaine
Sur le compte Instragram LatabledeSolange12, sont publiées des photos de clients en train de recevoir les produits, principalement dans les métropoles de Toulouse et Montpellier. « Ce sont des gens qui ont moins accès à nos produits, et qui sont friands d’e-commerce. » La livraison est assurée par Chronofresh, service de transport express de La Poste pour la livraison de produits frais en moins de 48 heures.
L’entrepreneur juge « énorme » (sic) la plateforme mise en place par la Région Occitanie. « Parmi les Régions françaises, l’Occitanie a été la première à porter ce type d’initiative », souligne-t-il. Autre plateforme web utile, agrilocal.fr, qui met en relation les producteurs locaux et les collectivités locales, par un système d’appel d’offres simplifié. « C’est rapide, sans paperasse, et on peut atteindre par ce biais des petits marchés qui, avant, étaient attribués selon le seul critère du prix. Or, nous sommes là pour valoriser nos produits, pas pour les brader. »
Pas de doute : à la ferme de Lariès (commune de Cassagnes-Bégonhès), la famille Bousquet, qui perpétue l’activité d’élevage et de boucherie depuis 7 générations, sait ce qu’elle veut, et ce qu’elle vaut !
Nouvel atelier de découpe
Exploitée par la SARL Agriviande, La Table de Solange (qui n’est pas un restaurant, contrairement à ce que l’on pourrait croire) exploite deux ateliers de découpe. Un troisième, dédié aux cochons, va être construit. Surface : 600 m2.
L’investissement, d’environ 1 million d’euros, sera en partie financé par une subvention de la Région. Pourquoi ce 3e atelier ? « Nous sommes à l’étroit, et c’est compliqué de croiser des espèces différentes – bœufs, agneaux, veaux, cochons… Par ailleurs, cet atelier permettra de développer une activité de saucisserie, que l’on sous-traite à ce jour. » Les travaux devraient commencer en juin, pour une livraison en fin d’année. Les deux autres ateliers sont dédiés aux bœufs, veaux et agneaux pour l’un, et à la branche charcuterie-fromage pour l’autre.
Une attente palpable des consommateurs
« On a toujours cru dans notre histoire, dans la valeur de nos produits ! », s’exclame Brice Bousquet. Des produits inscrits dans une longue tradition familiale : sa grand-mère Solange, dont l’entreprise porte le nom, l’a « initié au goût des bonnes choses ». Si la tendance ‘locavore’ (consommation de produits locaux) était « peu présente il y a dix ou vingt ans, aujourd’hui, une frange importante des consommateurs attend nos produits, riches d’une histoire. Les gens sont à écoute, veulent davantage comprendre ce qu’ils mangent, comment les animaux sont élevés…
Les réseaux sociaux nous aident à expliquer, par exemple, pourquoi notre veau est rosé. C’est parce qu’il va dans les champs, mange de l’herbe et des céréales ». La Table de Solange reçoit par ailleurs, chaque semaine, des chefs en quête de produits nobles.
Laurent Herrera livre asperges et fraises dans le bassin de Thau
« Grâce à la plateforme web de la Région, je dors plus tranquille. » Laurent Herrera, maraîcher basé à Loupian, dans l’Hérault, a craint de se retrouver avec des stocks d’asperges et de fraises sur les bras, après la fermeture successive des marchés de Sète, Pézenas, Mèze et celui des Arceaux, à Montpellier, où il a l’habitude de vendre ses produits.
« Me tourner vers la grande distribution ? Ce n’est pas ma philosophie. J’ai besoin de voir le client, et d’avoir son retour sur la qualité des produits. J’ai posté sur Facebook l’ouverture d’un service à livraison à domicile de paniers de légumes. Mais cela n’a pas fonctionné. Je n’ai eu qu’une cliente ! » Chance dans la galère : cette cliente, basée à Aumes, a informé le jeune producteur, âgé de 28 ans, de l’existence de la plateforme de la Région Occitanie. « Je me suis inscrit sans trop y croire, confie-t-il a posteriori. Je pensais que les gens ne prendraient pas le temps. Mais en fait, la demande est là ! »
Une nouvelle clientèle
Laurent Herrera reçoit en effet chaque jour entre 4 et 6 commandes, venant du bassin de Thau : Mèze, Bouzigues, Frontignan ou Sète. « C’est souvent pour un kilo de fraises ou d’asperges. Le prix moyen des paniers oscille entre 20 et 30 euros », détaille-t-il. Les tournées sont optimisées au plus juste, pour limiter les frais de déplacement. Une dimension logistique nouvelle, intégrée avec bon sens. « J’essaie de ne livrer que le matin ou le soir, et de garder en dernier les livraisons proches de mon domicile. J’attends de recevoir plusieurs commandes sur une commune pour m’y rendre, sans trop faire attendre le client non plus. »
La sécurité sanitaire est une priorité : gants, masque, gel hydroalcoolique, spray désinfectant passé régulièrement sur les cagettes, légumes emballés dans des sacs en papier. « Je me recule après avoir posé la cagette devant l’adresse de livraison, pour éviter un contact trop direct », ajoute-t-il. Le paiement par carte bleue est privilégié. La plateforme régionale lui amène « de nouveaux clients, que je ne vois pas sur les marchés. Elle doit continuer à exister après la crise sanitaire ! » Elle lui a permis de maintenir 30 % de son activité habituelle. « Ce qui est mieux que zéro, conclut-il. Je ne vois pas les 70 % d’activité perdue, je vois surtout les 30 % d’activité sauvée. Sans compter que la livraison à domicile, activité naissante pour moi, ne pourra que monter en puissance. Cette plateforme de mise en relation entre producteurs et consommateurs fait parler d’elle, et génère beaucoup de bouche à oreille. »
En savoir plus