Les portraits

Nicolas Despiau, chef d’entreprise mélomane et engagé pour la biodiversité

Directeur général de Despiau Chevalet, Nicolas Despiau porte haut les valeurs de l’entreprise familiale spécialiste de la fabrication des chevalets pour les instruments à corde. Mélomane, amoureux du bois et défenseur de la biodiversité, il porte l’entreprise à l’avant-garde des enjeux climatiques. Créée dans le Gers il y a un siècle, l’entreprise rayonne dans le monde entier et multiplie les collaborations avec les plus grands musiciens.

Nicolas Despiau dirige l’entreprise familiale gersoise au rayonnement international.

Crédits : Despiau Chevalets

Après le grand-père puis le père, les deux frères Despiau, Nicolas et Pierre-Jean, dirigent l’entreprise familiale devenue leader mondiale de la fabrication de chevalets. Les chevalets, ce sont ces petites pièces en bois qui font voyager le son à travers les instruments à cordes frottées : violons, altos, violoncelles, contrebasses, violes de gambe et violes d’amour. Au fil de l’histoire de cette entreprise, chaque génération a répondu aux enjeux de son époque. Et aujourd’hui, c’est au rendez-vous de la biodiversité et de la préservation des forêts que se trouve Despiau Chevalets.

Depuis l’Occitanie vers tous les points du globe

L’histoire de l’entreprise installée à Gimont dans le Gers (32) commence après la première Guerre Mondiale. De retour de Verdun, Marius Despiau refuse le métier de paysan ; il veut travailler le bois. En 1920, il crée une scierie, produit des roues de charrettes puis, quand les roues en caoutchouc dominent le marché, fabrique des séchoirs à tabac. Au décès de Marius, son fils Jean-Louis hérite de l’entreprise. Artiste, violoniste et altiste, il fait prendre un virage radical à l’entreprise.

Détectant qu’en optimisant la forme et le choix du bois pour la fabrication des chevalets on peut aider les luthiers à améliorer l’acoustique des instruments, il fonde Despiau Chevalets. Nous sommes en 1984. Depuis, l’entreprise est devenue une référence mondiale et expédie ses chevalets depuis l’Occitanie vers tous les points du globe : Europe, Asie, États-Unis. Aujourd’hui, la troisième génération mène elle aussi sa propre révolution. Et cette fois, c’est en réponse à la crise climatique et à la surconsommation de bois.

L’entreprise Despiau Chevalets a investi en 2021 de tout nouveaux locaux de 2500 m2 à Gimont dans le Gers.

Crédits : Despiau Chevalets

Un changement stratégique radical

« En 2018, raconte Nicolas Despiau, notre corporation a remis en question son impact environnemental. J’ai été invité à intervenir sur la question de la raréfaction des bois à chevalets et j’ai eu un sursaut de colère. Je me suis rendu compte que les luthiers pour lesquels nous fabriquons les chevalets, n’avaient aucune connaissance de l’impact qu’ont leurs exigences sur la forêt. Le fait que l’on accordait parfois trop d’importance aux aspects visuels par rapport aux aspects acoustiques a conduit à un gaspillage effrayant d’arbres centenaires. » Les chevalets sont en effet produits en bois d’érable vieux de trois siècles et sélectionnés dans les forêts de Bosnie-Herzégovine où le climat très particulier donne à ces arbres des capacités exceptionnelles de transmettre le son.

Guidée par le respect voué au végétal et à la forêt, Nicolas Despiau s’engage alors avec son frère dans un changement stratégique radical : repenser ce qu’est le « bon » bois, « regarder le bois avec les oreilles », prélever le moins de bois possible, sensibiliser et former les luthiers puis enfin créer le label « Despiau Planet », apposé sur ses chevalets. Une partie de chaque vente Despiau Planet est reversée à l’Alliance International, une organisation d’archetiers et de luthiers activement engagés dans la préservation des forêts.

Un projet de recherche collaboratif pour l’excellence du son

Afin de consolider son analyse de l’impact du chevalet sur le son du violon, Nicolas Despiau décide de faire appel à la recherche. « Nous menons actuellement, explique-t-il, un projet de recherche collaboratif avec la Plateforme Cognition Comportements et Usages de l’Université Toulouse Jean Jaurès et spécifiquement avec la plateforme Petra spécialisée dans la recherche sur la perception du son. »

En question, l’impact de la qualité du bois de chevalet sur la qualité sonore, le rôle du son dans l’estimation de la qualité sonore du bois de chevalet ou encore la modélisation de la qualité sonore du bois.
« Ces recherches, précise Nicolas Despiau, permettent de continuer à perfectionner nos savoir-faire ancestraux car innover, c’est perdurer. »

En parallèle de ces travaux de recherche, Nicolas Despiau multiplie les liens directs avec les musiciens dont la violoncelliste Pauline Bartissol ou le fameux Quatuor Tchalik. À la recherche du meilleur résultat sonore, celui-ci est à 100% monté en chevalets Despiau. En janvier 2025, le Quatuor Tchalik a donné concert qui s’est déroulé à l’Académie du Climat à Paris. Le quatuor a fait découvrir son album « Mozart », le compositeur préféré de Nicolas Despiau… La boucle est bouclée.

Le chevalet fabriqué en bois d’érable de Bosnie-Herzégovine contribue à 20 % du résultat acoustique de l’instrument.

Crédits : Despiau Chevalets