Les portraits

Nadia Landry, une Catalane qui porte les entreprises d’insertion

Première femme à la tête de la Fédération des entreprises d’insertion, la Catalane de 53 ans prend ses fonctions dans un contexte de coupes budgétaires et défend un modèle qui conjugue inclusion et économie.

La directrice de la PME «  Pierre en Paysage  », Catalane de 53 ans, est la nouvelle présidente de la Fédération des entreprises d’insertion.

Crédits : ©DR

Défendre l’accompagnement des publics en difficulté par l’activité économique, dans un contexte de restrictions budgétaires. C’est le credo de Nadia Landry, élue présidente de la Fédération des entreprises d’insertion début décembre à Lille, succédant à Luc de Gardelle. Première femme à ce poste, elle entend donner une «  meilleure image  » de l’insertion, et débute un mandat complexe, sur fond de restriction des budgets des Départements et de l’État.
«  Mon planning est désormais bien plus chargé, mais il est évident que ma dernière année de mandat au bureau fédéral, en 2024, a permis au précédent président, Luc de Gardelle, de me présenter aux différents interlocuteurs, confie-t-elle à «  Occitanie News  ».
Cela a facilité grandement mon travail de ce dernier trimestre auprès du Ministère du travail et de la DGEFP (Délégation générale à l’Emploi et à la Formation professionnelle).  »

En guise de premier bilan, elle brandit de «  petites victoires  ». Par exemple, l’accord de la Ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, de piloter la consommation des fonds de l’insertion par l’activité économique (IAE), «  pour une meilleure optimisation de leur utilisation et une bonne évaluation des besoins au fil de l’année  ». Du côté du budget 2025, le secteur de l’IAE connaît une baisse de 50 M€ sur l’enveloppe dédiée aux aides aux postes, laquelle, cumulée aux 2 % d’augmentation de l’aide au poste, «  donne autour de 5 % de postes ouverts en moins, calcule-t-elle. Cela dit, la conjoncture économique, au ralenti, fait que le réalisé 2025 sera moins qu’attendu  ». Par ailleurs, le budget de formation des personnes en parcours d’insertion baisse de 85 M€ à 70 M€. «  Même si ce budget n’est pas idéal, avec une baisse totale de 4 % par rapport à 2024, il préserve l’essentiel lorsqu’on sait que le budget de l’ensemble du ministère du Travail baisse de 16 %.  »

Série de déplacements dans les territoires

Au cours de ce 1er semestre, Nadia Landry a prévu «  beaucoup de déplacements en région, car c’est au contact des adhérents que l’on découvre de magnifiques projets de territoire, que l’on écoute les difficultés de chacun et que je nourris mon engouement et ma motivation  ». Quelques déplacements récents ou à venir  : 16 janvier à Marseille, pour le lancement de la campagne «  L’insertion ça change une vie  »  ; Les 20 et 21 mars en Bretagne, à Saint-Brieuc et Rennes, pour une rencontre de la Fédération régionale et des visites d’entreprises  ; Le 25 mars, visite du Pôle ressources Insertion par l’activité économique de Bourgogne-Franche-Comté à Dijon , avec la célébration des 40 ans du groupe Id’ees 21, un des premiers acteurs français du secteur de l’insertion par l’économique (transports, bâtiment, restauration collective, bâtiment…)  ; Le 11 avril, déplacement à Lyon  ; Puis, en mai, à Mayotte, pour l’ouverture d’une fédération régionale.

Amoureuse de la Côte Vermeille

Un vrai agenda de ministre. «  Rien ne me prédestinait à ça. Cela prouve qu’il faut faire preuve d’envie, et de travail  », déclare cette titulaire d’un diplôme scientifique et technique sur la gestion de la forêt méditerranéenne.
Elle s’est familiarisée avec les chantiers d’insertion en 1999, en travaillant pour la structure associative IFE (Information Formation Emploi), active sur la côte Vermeille.
Elle a ensuite créé avec André Pagès, en 2009, l’entreprise d’insertion «  Pierre en Paysage  » (12 salariés, dont 6 en réinsertion), spécialisée dans l’aménagement de jardins et la construction de murettes en pierre sèche. Des aménagements qui signent la région littorale de Banyuls-sur-Mer, avec ses vignes en terrasses tombant dans la mer, et dont elle est tombée amoureuse.

Marquée à gauche

Depuis 25 ans, elle sait savourer les avancées, parfois timorées, auprès de publics fragiles, éloignés de l’emploi. Il faut savoir se contenter de petites choses, souligne cette mère de deux enfants de 18 et 20 ans (sa fille étudie l’espagnol à Paris, et son fils la gestion des PME à Lyon) : «  Nous valorisons toujours une chose positive. »
Les publics d’insertion évoluent. Ils sont aujourd’hui, selon elle, affaiblis par «  des burnout, des déséquilibres psychologiques, une déshumanisation des services publics où règne la dématérialisation. C’est une tendance forte. Quand j’ai débuté, au début des années 2000, les addictions étaient le principal frein à l’emploi  ».
Se définissant comme «  féministe  », elle se dit «  de gauche, sans s’y retrouver dans la gauche actuelle  ». Et entend plaider auprès du gouvernement Bayrou un soutien aux quelque 2.200 entreprises d’insertion françaises (800 étant adhérentes à la Fédération), qui accompagnent 100.000 personnes par an.
«  Nous espérons que les entreprises d’insertion soient fortement mobilisées dans le cadre de grands projets sur les territoires  : EPR 2 de Penly, parcs éoliens, Marseille en Grand, canal Seine-Europe, etc., égrène-t-elle. Dès que l’on emploie un bénéficiaire du RSA ou un demandeur d’emploi indemnisé, l’État fait une économie, insiste-t-elle. Ce, en plus du bénéfice apporté à la personne elle-même. De plus, les entreprises d’insertion innovent, dans le tri, le paysage, le numérique ou encore l’économie circulaire. Ces champs qu’elles ont explorés sont devenus des filières.  »

«  Elle vibre pour l’insertion  »

Le discours est bien rodé. Pourtant, «  Nadia hésitait à monter au national, pensant que la marche était trop haute, raconte aux «  Echos  » le Tarnais Didier Roques, ex-membre du bureau fédéral, où il l’a côtoyée une dizaine d’années. Je l’ai poussée, car je sentais son potentiel. Elle s’est imposée naturellement. C’est une battante, une meneuse, ne lâche rien. Elle une âme, vibre pour les gens en difficulté. Tout le monde a senti qu’elle ne s’engagerait pas pour la gloriole. Elle s’est rendue légitime par ses valeurs ».

Nadia Landry, 53 ans, n’avait pourtant rien d’une entrepreneuse, à la base. Un père menuisier, une mère travaillant dans un supermarché, puis, après avoir perdu son travail, se reconvertissant à La Poste, où elle fut détachée au syndicat FO à Fresnes. L’engagement social de sa mère a forgé ses convictions. «  Elle accueillait les nouveaux agents, les accompagnait dans leurs démarches et faisait le lien avec les directeurs d’établissements. La politique s’invitait souvent à table.  » De cet héritage, elle a gardé «  une certaine aversion pour l’argent  », sourit-elle, ne touchant par exemple pas un euro de dividende, en 15 ans, chez Pierre en Paysage. La PME va d’ailleurs être transformée en Scop cette année. «  C’est le moment  », lâche-t-elle.

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