À la barre de la Botte Gardiane depuis 2021, PME gardoise productrice de bottes camarguaises, chaussures, sacs, ceintures et accessoires en cuir, Fanny Agulhon aurait pu avoir un autre destin.
« Petite, je me serais bien vue architecte d’intérieur ou exercer un métier dans la santé, comme kinésithérapeute ou ostéopathe, projette la gérante de la PME, qui réalise un chiffre d’affaires de 1,6 M€ pour 22 salariés. Quand mon père, Michel (décédé en septembre, note), a racheté l’entreprise en 1995, alors qu’il avait 54 ans, j’avais 12 ans. Je n’avais pas forcément envie de suivre la même voie que lui ». Pour première expérience professionnelle, Fanny Agulhon castre les maïs, l’été de ses 15 ans. « J’ai rapidement compris que c’était bien plus confortable de travailler à l’atelier, pour fabriquer des chaussures », rigole-t-elle.
Bac scientifique en poche, elle se rend ensuite à Londres. L’aventure. « J’avais prévu d’y rester 6 mois, j’y ai passé 4 ans, dont deux ans dans une école de design, de 2009 à 2011. Les voyages sont les plus belles des formations. » Dans la capitale anglaise, son esprit s’ouvre. Elle échange avec des personnes qui partagent sa passion. La jeune femme se forme en tant que vendeuse chez Liberty, magasin de mode haut de gamme… et se démarque alors parmi les meilleurs vendeurs de l’enseigne.
La Botte Gardiane à la conquête de Paris
De retour en France, Fanny Agulhon, imprégnée du sens du business anglo-saxon, perçoit le potentiel de La Botte Gardiane. Et n’y va pas par quatre chemins, avec l’ouverture d’une boutique à Paris, en 2012, dans le quartier Bastille. « Je me suis toujours vue comme un électron libre par rapport au reste de ma famille, qui voulait absolument rester dans le sud, près de l’atelier », s’amuse-t-elle. La première boutique de la PME familiale s’installe au 25 rue de Charonne, entre des enseignes comme Sessun ou Isabelle Marant. Deux ans plus tard, en 2014, l’affaire fonctionne si bien qu’une deuxième boutique est implantée, dans le très branché quartier du Marais. « Au bout de trois jours d’ouverture, le comédien Jean Dujardin est venu acheter ses chaussures chez nous. Il y a des signes qui nous font dire qu’on a fait le bon choix », rembobine-t-elle.
Nouvel atelier et amour du métier
Rapidement, la PME gardoise se retrouve à l’étroit dans son atelier de 500 m2, à Villetelle, et déménage en 2019. Direction Aigues-Vives, pour un atelier de 1.000m2 flambant neuf. Coût de l’opération : 1,6 M€ (dont 150.000€ via le Fonds Européen de Développement Régional redistribué par la Région Occitanie). Dans la foulée, La Botte Gardiane ouvre une boutique à Lyon. « Mais nous avons enchaîné les gilets jaunes et le covid. Dès que l’occasion s’est présentée, nous l’avons revendue. Tout n’est pas rose », confie-t-elle. Entre temps, et alors qu’elle aurait pu prétendre à un poste ‘confortable’ de cadre salarié dans une grande enseigne, Fanny Agulhon fait le choix de la direction de la PME familiale. Pourquoi ? « Par amour du produit, pour ne pas avoir de chef. Et, par-dessus tout, je veux faire perdurer cette entreprise qui m’est chère », précise-t-elle.
Quelques mois plus tard, fin 2022, La Botte Gardiane installe une troisième boutique aux Saintes-Maries-de-la-Mer, dans les Bouches-du-Rhône. Dans le même temps, la Région Occitanie fournit 20.000€ de subventions pour aider la PME familiale dans l’achat de nouvelles machines.
« Nous fabriquons des produits qui se réparent »
Fanny Agulhon souligne un changement récent de l’approche des clients. « Maintenant, les gens recherchent davantage une production raisonnée et qualitative. Ce qui fait écho à nos valeurs. Chez La Botte Gardiane, nous fabriquons des produits qui se réparent, issus d’un savoir-faire ancestral, classé métiers d’art au patrimoine immatériel de l’Unesco, très loin du rythme frénétique de la mode et de la nouveauté. »
L’intégralité des produits proposés par La Botte Gardiane sont fabriqués et assemblés dans l’atelier d’Aigues-Vives. Trois recrues viennent de grossir les effectifs : « deux personnes au montage des chaussures, et une au piquage », précise Fanny Agulhon. Et d’ajouter : « À ce jour, nous vendons 8.000 paires par an. Le e-shop représente 15 % de nos ventes. Le reste se fait en vente directe, via nos boutiques ou nos revendeurs. Nos chaussures sont plébiscitées en Asie, notamment en Corée du Sud, aux Philippines, et dans plusieurs capitales européennes. »
L’Indication Géographique Protégée reconnaît le savoir-faire
Cet été, La Botte Gardiane a reçu un label Indication Géographique Protégée (IGP) pour son produit éponyme. « Nous sommes la seule marque de chaussure à avoir une IGP, avec la charentaise, se réjouit Fanny Agulhon. Ce label vient s’ajouter au label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). Ces distinctions n’augmentent pas forcément notre visibilité, mais ils sont des reconnaissances de notre savoir-faire, et un signe pour nos confrères comme nos clients que nous faisons du bon travail ».
« Félicitations aux artisans locaux pour l’obtention de l’indication géographique bottes camarguaises, déclare ainsi Pascal Faure, directeur général de l’Inpi, qui a délivré le label IGP. Elle consacre la fabrication artisanale des bottes qui allie durabilité et tradition. Les bottes sont conçues selon des techniques transmises depuis plusieurs générations, dont l’authenticité et le savoir-faire unique rendent parfaitement hommage à la richesse de la culture camarguaise. »
Un atelier ouvert aux visites
Tout au long de l’année, l’atelier reçoit des visiteurs. « En visite guidée, on a deux pics, pour les Journées du patrimoine et les Journées européennes des métiers d’art, confie Fanny Agulhon. En tout, sur l’année, nous recevons 800 personnes en visite guidée. Il faut réserver à l’avance pour que mon frère ou moi-même puissions nous rendre disponibles. » Un atelier résolument ouvert sur l’extérieur : une signalétique permet aux clients venus acheter leurs chaussures à l’atelier de le visiter librement. Idéal pour une plongée dans le savoir-faire camarguais, entre machines, tas de semelles et établis.
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