Région Occitanie : appel de Bages et Aqua Domitia 2
Solliciter des financements de l’État et, aussi, des dispositions réglementaires adaptées. C’est l’esprit de « l’appel de Bages », lancé le 6 novembre dans l’Aude par Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, en présence de 150 participants – élus, représentants des filières viticoles et arboricoles, entreprises, acteurs de l’eau. « L’Aude et les Pyrénées-Orientales sont touchés par une sécheresse inédite depuis trois ans. Nous travaillons pour déployer des solutions diverses et complémentaires, à court terme, incluant la réutilisation des eaux usées, un maillage efficace du réseau d’approvisionnement la création de petites retenues collinaires, des forages quand c’est possible, déclare Carole Delga. Les études sont lancées pour un transfert de l’eau du Rhône via le projet Aqua Domitia 2. Cependant, certains projets n’ont pu aboutir faute de dispositions réglementaires adaptées et de financements suffisants. L’État doit aujourd’hui nous aider à agir. Nous n’avons pas de temps à perdre pour trouver des solutions face au dérèglement climatique, préserver notre terre nourricière, nos activités économiques et permettre à nos agriculteurs, plongés dans une détresse morale et financière, de vivre dignement. J’ai donc aujourd’hui proposé de rédiger un cahier de doléances collectif, à l’attention du gouvernement, répertoriant tous les projets réalisés et ceux qui n’ont pu aboutir en raison de contraintes réglementaires »
Une étude en vue du prolongement d’Aqua Domitia
Dans la foulée de cet appel, le 26 novembre, la Région Occitanie lance une étude destinée à identifier l’ensemble des solutions pour sécuriser l’accès à l’eau sur le littoral d’Occitanie, aux côtés du préfet de la région Occitanie, de la Banque des Territoires, de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et des Départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, touchés par des épisodes de sécheresse.
L’étude, de 18 mois, consistera à analyser les demandes en eau à horizon 2070 des territoires actuellement en tension et les options pour sécuriser leur accès à l’eau ; en tenant compte de l’accélération des effets du changement climatique, à travers une meilleure gestion de la ressource et l’optimisation des infrastructures hydrauliques existantes. Cette étude devra également déterminer la faisabilité, à la fois technique, économique et financière ; d’une extension du Réseau Hydraulique Régional (RHR) dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, projet appelé Aqua Domitia 2. Concrètement, il s’agit de transférer une (toute petite) partie de l’eau du Rhône jusqu’à l’Aude et les Pyrénées-Orientales, via une canalisation, Aqua Domitia. Celle-ci dessert déjà l’Hérault.
Le rôle-clé d’Aqua Valley
Le budget 2025 de l’État, non encore voté mais qui devrait être placé sous le signe de l’austérité, donne des sueurs froides aux pôles de compétitivité. Dont, en région, le pôle Aqua-Valley (Occitanie et Paca), portant sur l’eau. Le budget de fonctionnement de 9 M€ par an, prévu pour la phase 2023-2026 des 55 pôles de compétitivité labellisés, « n’est aujourd’hui pas garanti. Nous demandons le maintien du budget des pôles de compétitivité », déclare Olivier Sarlat, président d’Aqua-Valley, et s’exprimant aussi pour le compte du pôle Aquanova (Centre-Val de Loire et Grand Est), également lié à l’eau. D’après la Direction Générale des Entreprises, les pôles « ont un effet de levier de 3 euros investis par le privé pour un euro public investi. Si on supprime 9 M€, c’est donc un effet de levier de 27 M€ d’effacé. Ces montants sont des possibilités d’activités pour les entreprises et les projets portés par le monde académique ». Ce, alors que l’enjeu de l’eau devient de plus en plus prégnant, et qu’Aqua Valley joue un rôle déterminant dans la croissance des entreprises du secteur, et l’emploi.
Ces startups d’Occitanie qui innovent dans le secteur de l’eau
Occitanie News zoome sur quatre startups d’Occitanie qui innovent dans le secteur de l’eau : VorteX-io, Hetwa, Greenphage et Chemdoc Water Technologies.
VorteX-io, les ‘Free’ de l’hydrologie
Fondée en 2019 par Guillaume Valladeau et Jean-Christophe Poisson, vorteX-io développe des services de surveillance de cours d’eau en temps réel. « La seule donnée spatiale, de plus en plus utilisée pour observer les cours d’eau et l’hydrologie continentale, ne suffit pas pour gérer et optimiser leur gestion », explique Guillaume Valladeau, qui a travaillé 15 ans dans le spatial. La solution développée par vorteX-io : sorte de pont entre la technologie spatiale et l’hydrologie continentale, il s’agit d’une micro-station connectée, installée au-dessus des cours d’eau à surveiller, qui mesure en temps réel de multiples paramètres hydrologiques : vitesse et température de surface, hauteur d’eau, tout en prenant des images, le tout en temps réel.
Surveiller les petits cours d’eau
D’une taille de 10 cm et alimentée par panneau solaire, cette micro-station s’installe en moins de deux heures. Les données, transmises via GSM (3G/4G) ou Kinéis (connectivité IoT spatiale), sont accessibles sur une plateforme en ligne, ce qui évite de devoir envoyer des techniciens sur le terrain. La maintenance prédictive des boîtiers est également digitalisée. « Nous sommes les “Free” de l’hydrologie : nos solutions sont cinq à dix fois moins chères que celles des concurrents. Avec vorteX-io, il n’y a pas besoin d’investir plusieurs milliers d’euros pour observer et surveiller les cours d’eau », affirme Guillaume Valladeau. Avec une précision centimétrique et un coût réduit, vorteX-io ambitionne de démocratiser la surveillance en temps réel des petits cours d’eau, souvent ignorés malgré leur rôle clé dans les inondations et sécheresses, comme on l’a vu récemment en Ardèche ou dans les Hauts-de-France. Le besoin est criant : en France, « seules 30 % des surfaces hydrologiques sont couvertes en temps réel », indique le dirigeant.
Programme européen
En 2023, vorteX-io a remporté le programme européen EIC Accelerator, pour créer le premier service de prévision des cours d’eau en temps réel. 1.000 boîtiers (fabriqués par plusieurs intégrateurs français sous la direction de l’entreprise Matlog), vorteX-io s’occupant du design du capteur, du traitement des données et des outils d’aide à la décision pour les autorités publiques) sont en cours de déploiement en France et en Croatie d’ici à la fin du premier trimestre 2025, et 1.000 autres vont suivre. Cette montée en puissance s’accompagne d’une levée de fonds de 2,9 millions d’euros, réalisée en mai 2024, avec pour principal investisseur la Caisse des Dépôts et Consignations ainsi que MAIF Impact, pour accélérer le développement. « Avoir la Caisse des Dépôts à nos côtés montre que nous sommes une solution à impact pour les territoires, avec des indicateurs sur les pourcentages de biens protégés, les vies sécurisées… Nous sommes passés de 13 à plus de 40 collaborateurs en 18 mois », précise Guillaume Valladeau, ajoutant que l’entreprise prévoit de renforcer sa présence en Europe, en Australie et au Canada. L’international, qui ne pèse que 5 % de l’activité, est amené à grossir, via des distributeurs et des partenariats.
Bassins versants Adour-Garonne et de la Têt
La plateforme SaaS de vorteX-io compte déjà plusieurs dizaines de clients, notamment en Occitanie, région fortement exposée aux risques climatiques. La micro-station équipe notamment le bassin versant Adour-Garonne et les syndicats du bassin versant de l’Agly et de la Têt, dans les Pyrénées-Orientales, pour un suivi précis des sécheresses passées… et à venir. « Notre objectif est de fournir des outils d’aide à la décision pour protéger les populations et préserver les ressources », conclut Guillaume Valladeau.
Avec une technologie française et un produit d’exploitation de près de 3 millions d’euros en 2024, vorteX-io s’est imposé en 4 ans comme un acteur clé, en Occitanie et au-delà, de l’hydrologie connectée.
Hetwa : L’intelligence artificielle au service de l’eau et des territoires
Fondée par Roxelane Cakir, Hetwa est une start-up toulousaine qui utilise l’intelligence artificielle pour répondre aux enjeux liés à la gestion de l’eau. « Des outils de suivi de l’eau en temps réel existent, mais que fait-on des informations ? L’analyse et l’interprétation arrivent souvent trop tard. Notre objectif est de transformer les données en outils d’aide à la décision : réglementations, priorisation des actions ou gestion des risques », explique la dirigeante.
Issue de la recherche universitaire, Hetwa propose des solutions technologiques pour aider les gestionnaires de l’eau – syndicats de rivières, établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), collectivités, intercommunalités. Des briques technologiques sont aussi développées pour permettre aux acteurs publics d’appréhender leur impact sur l’environnement, et aussi l’impact de l’environnement sur leur structure (risques naturels).
Trois outils phares
Hetwa a développé trois produits principaux, à travers une plateforme d’algorithmes se basant sur des modèles utilisant l’IA. Le premier est un outil de cartographie basé sur des données satellitaires. « Cet état des lieux permet de visualiser l’état des zones humides et de hiérarchiser les priorités : restauration, aménagement ou préservation. L’idée est de détecter le potentiel d’existence d’une zone humide probable, selon les caractéristiques (occupation et typologie des sols) », explique la fondatrice. Déjà utilisé par la mairie de Lacanau, cet outil est aussi utile pour orienter les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU).
Le deuxième outil, qui allie IA, données satellitaires et variables environnementales, simule l’évolution des milieux aquatiques. Hetwa anticipe des scénarios, comme le développement d’algues ou la dégradation des plans d’eau, et simule des programmes d’actions. « Cela permet de tester des actions concrètes, comme le curage de plans d’eau ou l’aménagement de haies limitant l’impact du ruissellement et de l’érosion », détaille-t-elle. Une version nationale est prévue pour 2025.
Enfin, un troisième produit affine la gestion des risques à l’échelle du parcellaire. Il aide notamment les campings et sites industriels à mieux se prémunir contre les inondations. « Notre outil va au-delà des simples adresses utilisées par les assureurs et intègre des données spatiales, historiques et hydrologiques détaillées », affirme-t-elle.
Clients diversifiés
Avec six salariés et des collaborations prometteuses, notamment avec la métropole de Toulouse (pour comprendre les phénomènes d’eutrophisation du lac de la Ramée, fréquemment interdit de baignade du fait de la présence de cyanotoxines), le CNES (sur l’imagerie spatiale), la startup Previsia (risque naturel pour les assureurs), Hetwa ambitionne de doubler ses effectifs en 2025. Une levée de fonds est envisagée pour automatiser davantage les cartes et aider à la décision les donneurs d’ordres. « Nous travaillons déjà sur de nouvelles thématiques comme la désartificialisation des sols ou la gestion du risque sécheresse », conclut Roxelane Cakir.
GreenPhage : l’alternative naturelle aux antibactériens classiques
Installée à la pépinière Cap Alpha, à Clapiers, près de Montpellier, la société de biotechnologie GreenPhage développe une nouvelle génération de solutions antibactériennes de précision. GreePhage utilise des bactériophages, des virus naturels qui ciblent et détruisent uniquement les bactéries indésirables. Contrairement aux antibiotiques ou détergents, leurs solutions respectent les microbiotes essentiels à la santé des écosystèmes, des humains et des animaux.
« Nous proposons une alternative naturelle aux traitements chimiques, capable d’éliminer spécifiquement les bactéries indésirables dans l’environnement, avec des applications sur la santé des plantes, humaine (soins dermocosmétique, compléments alimentaires) et animale », explique Denis Costechareyre, cogérant.
Approche pionnière pour la préservation des écosystèmes
L’entreprise, créée il y a sept ans et soutenue par le BIC de Montpellier, s’attaque à des enjeux majeurs, tels que la santé des écosystèmes et la lutte contre l’antibiorésistance. Son activité s’articule autour de trois grands axes liés aux problématiques de l’eau : traiter les effluents industriels contaminés (issus par exemple des laiteries ou des abattoirs), assainir les eaux usées avant leur rejet dans des zones sensibles comme le littoral, et permettre leur réutilisation pour l’irrigation agricole.
« Nos solutions répondent à des défis sociétaux comme le développement du REUSE, une pratique cruciale face au stress hydrique », souligne Pascal Peny, cogérant. Avec 6.000 sites concernés en France, le marché est vaste, notamment en Bretagne et Normandie, régions à forte densité agroalimentaire. Parmi les clients : les distributeurs spécialisés, les bureaux d’étude et de conseil (qui proposeront les solutions aux usagers finaux, comme des usines agroalimentaires), les communes littorales rejetant en zone sensible.
Ambitions industrielles
GreenPhage, qui réalise actuellement 130.000 € de chiffre d’affaires, vise un million d’euros en 2026, année où elle espère atteindre la rentabilité. Pour cela, elle finalise une levée de fonds de 2 M€. Cette opération permettra d’accroître la capacité de production, passant de 100 à 1.000 litres hebdomadaires de solutions bactériophages, et de construire sa première usine dédiée au traitement des eaux.
« Nous voulons répondre aux besoins des communes littorales et des industries agroalimentaires, tout en élargissant nos applications aux secteurs de la santé humaine et animale », détaille Denis Costechareyre.
Labellisée deeptech par Bpifrance, GreenPhage compte des partenaires académiques tels que l’Inserm, le CHU de Nîmes et le Cirad. L’entreprise, qui compte actuellement six salariés, prévoit de doubler ses effectifs en 2025.
Traitement de l’eau : Chemdoc déploie ses machines mobiles
Le marché de l’eau change, ouvrant la voie à de nouveaux usages et à des innovations. Face à des arrêtés sécheresse de plus en plus fréquents et longs, les industriels doivent pouvoir réagir rapidement. Dans ce contexte, Chemdoc Water Technologies, PME basée à Clermont-l’Hérault (34), qui conçoit et fabrique des équipements de purification et de recyclage de l’eau, lance une offre de machines autoportantes et de containers maritimes mobiles, distribués aux clients industriels sur un modèle locatif de type « waas » (water as a service).
« Les besoins d’eau deviennent plus atomisés, sur des unités plus petites que les gros équipements jusqu’à présent mis en service. Nos technologies membranaires ou électrochimiques permettent aux industriels d’avoir le niveau de pureté d’eau souhaité, sans mobiliser du capital », détaille Salvador Pérez, président de l’entreprise.
Pour structurer sa croissance, Chemdoc vient de lever 4,5 M€, auprès de Seventure Partners et d’EDF Pulse Ventures, fonds d’investissement d’EDF. L’opération finance une extension de 2.500 m2, tout juste livrée, venant s’ajouter aux 1.000 m2 existants. Un centre de pilotes d’essais est prévu à terme.
Les clients de Chemdoc sont diversifiés. Dans le nucléaire, la PME a réalisé pour Orano des systèmes de purification des eaux pour les process de transformation de l’uranium requérant de grandes quantités d’eaux déminéralisées. Dans l’agroalimentaire, Chemdoc recycle, à Bourges (Cher), l’eau de l’usine des sirops Monin. Pour Orangina, ses technologies apportent une qualité d’eau calibrée selon des critères physico-chimiques précis, utilisée dans les thés glacés.
La société emploie 30 salariés pour un chiffre d’affaires de 4,5 M€. Trente recrutements sont prévus d’ici à fin 2025 : ingénieurs en génie des procédés, soudeurs, automaticiens, fonctions commerciales, service après-vente… Le cap des 30 M€ d’activité pourrait être atteint à l’horizon 2030. Le besoin est là : « Les sécheresses de 2022 et 2023 ont fait comprendre que l’on pouvait réellement manquer d’eau, et qu’il faudra de plus en plus utiliser des eaux non conventionnelles », conclut Salvador Pérez.