Retour sur les précédentes éditions

Focus 2024 : Quand l’art (re)vient d’ailleurs

Sur plus de 6 000 artistes plasticiens d’Occitanie, deux tiers viennent d’ailleurs. Partez à la rencontre de ces profils éclectiques.

En 1905, Henri Matisse est à Collioure, bientôt rejoint par plusieurs amis peintres. De ce séjour fondateur, marqué par les paysages lumineux de la Méditerranée, naîtra le Fauvisme, grand mouvement pictural du XXe siècle.

Cinq ans plus tard, Pablo Picasso débarque à Céret, entraînant dans son sillage de nombreux artistes qui vont faire de la cité catalane la « Mecque du cubisme ». Si ces deux exemples illustrent de manière éclatante l’attractivité de notre région, l’Occitanie fut aussi parfois un refuge : pour les artistes espagnols exilés, à Toulouse notamment, lors de la Retirada ou pour les artistes réfugiés en zone libre lors de la Seconde Guerre mondiale. Par-delà la diversité des motivations, leur présence a contribué à façonner l’image d’une terre d’accueil pour les artistes, qui exerce aujourd’hui encore sa force magnétique.

Sur plus de 6000 artistes issus des arts visuels vivant en Occitanie, deux tiers environ viennent d’ailleurs. Douceur du climat, variété des paysages, qualité de vie… combinés à un riche maillage culturel du territoire et à la possibilité de grands espaces pour travailler, les arguments ne manquent pas ! Cette nouvelle édition des Journées des Ateliers d’Artistes d’Occitanie est l’occasion de mettre en lumière la diversité des origines et des parcours : certains artistes viennent d’autres régions de France ou d’autres pays, d’autres sont originaires d’Occitanie, partis mener leur carrière ailleurs, puis revenus s’installer ici… ou ne sont jamais partis, témoignant chacun à leur manière de leur attachement au territoire.

Guillaume Rojouan, Atelier Borderouge. Crédit : Léo Arcangeli
Guillaume Rojouan, Atelier Borderouge. Crédit : Léo Arcangeli
Franck NOTO, Line Up, Montpellier (34)

Internationalement connu pour ses fresques colorées qui ornent les façades des grandes villes du monde, Franck Noto n’a jamais quitté Montpellier, sa ville natale. « J’ai beaucoup bougé mais c’est ici que je trouve l’hygiène de vie qui me convient. J’aime le climat, la lumière. Ici, je mène ma réflexion de manière détendue, loin des circuits de l’art. »

Élevé dans un milieu artistique, il retrouve aujourd’hui la pratique d’atelier, qui reste finalement sa base. Il occupe un vaste espace de travail dans les locaux de Line Up, l’association qu’il a créée avec sa femme en 2015. Lieu de travail et outil d’accompagnement pour les artistes, Line Up développe aussi des actions de médiation et de pratique artistique pour le public. Les Journées des Ateliers d’Artistes seront l’occasion de pousser les portes des ateliers Ernest Michel, qui abritent l’association.

Line Up. Crédit : Laura Mari
Line Up. Crédit : Laura Mari
Fernanda Sánchez-Paredes, Bagnères-de-Bigorre (65)

Photographe d’origine mexicaine, Fernanda Sánchez-Paredes a navigué pendant dix ans entre Mexico et Paris, où elle était venue en 2010 pour étudier à l’École des Arts décoratifs. Elle habite actuellement à Bagnères-de-Bigorre, dans une grande maison qui lui offre toute la place nécessaire pour stocker ses œuvres et parfois les exposer. Elle est arrivée en mars 2020, au moment du premier confinement, dans le cadre d’une résidence proposée par l’association Traverse, structure nomade qui déploie sa programmation artistique dans des lieux atypiques du département. « C’était une situation étrange mais, au moins, je pouvais aller me balader dans la montagne. J’ai adoré vivre ici et je voulais absolument rester. Je suis impressionnée par les paysages aux contrastes puissants, entre la nature sauvage et l’empreinte humaine qui tend à la domestiquer ». Les notions de paysage, de nature et d’animalité se révèlent centrales dans sa pratique photographique, aussi documentaire que plasticienne. À l’occasion des JAA 2024, elle va présenter notamment des extraits de la série Animae.

Lièvre - Crédit : Fernanda Sánchez-Paredes
Lièvre - Crédit : Fernanda Sánchez-Paredes
Leah Desmousseaux et Gaël Darras, Escamps (46)

Leah Desmousseaux mène une recherche photographique axée sur les motifs du vestige et du paysage désertique, mêlant outils analogiques et digitaux. Gaël Darras peint des aquarelles à partir d’un élément récurrent, la brique, et bâtit une œuvre picturale à forte coloration architecturale. Leur rencontre s’est faite à Nantes, à l’École des Beaux-Arts. Le couple vit depuis peu dans le parc naturel des Causses du Quercy, elle étant originaire de la région, lui venant de Pau. À l’écart du village, en pleine nature, leur maison-atelier – récemment achevée – leur apporte la quiétude indispensable à leurs processus créatifs, très introspectifs.

Linh Nguyen Le Phuong, Montmoudoumerc (46)

Née au Vietnam, Linh Nguyen Le Phuong est arrivée durant son adolescence en France, à Pézenas. Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Nîmes, elle développe un langage artistique pluriel (photographie, vidéo, installation, broderie…) étroitement lié aux territoires. Elle vit aujourd’hui dans une petite commune du Quercy blanc, dans une maison-atelier ouverte pour la première fois à la visite. Désireuse de s’y installer durablement avec sa famille, elle apprécie la qualité de vie locale et le paysage alentour, « assez lunaire, à la fois minéral et très vivace côté végétal ».

Anna-Eva Berge et Fabrice Leroux, La Bernarderie, Drulhe (12)

Les deux artistes ont vécu à Paris, où ils étaient comédiens, avant d’opérer un tournant dans leur carrière pour se lancer dans les arts visuels. Installés dans les Bouches-du-Rhône, ils développent leurs pratiques qui fait la part belle aux installations et œuvres monumentales. Il y a quatre ans, ils ont un coup de cœur pour cet ancien corps de ferme, dans la campagne aveyronnaise. « Nous sommes passés d’un atelier de 25 m² à une grange de 250 m² ! Aujourd’hui, l’espace n’est plus un problème. Nous avons installé nos ateliers dans les étables, la grange nous sert de showroom. C’est passionnant de pouvoir créer son espace de travail idéal ! ». Dans ce hameau de cinq maisons, l’autre bonne nouvelle, plus inattendue, est la mobilisation du public. Pour l’inauguration de l’ours Bernard, une immense sculpture de Fabrice Leroux, 90 personnes étaient au rendez-vous. « Depuis cet été, il est possible de visiter sur rendez-vous notre jardin de sculptures. À l’avenir, nous aimerions multiplier les propositions pendant l’année. Les Journées des Ateliers d’Artistes sont une nouvelle occasion d’échanger avec le public et de lui ouvrir les coulisses de notre travail ».

Quentin et Paul Destieu, La Pouponnière, Cahors (46)

Les deux frères, nés à Cahors, explorent les usages des nouvelles technologies dans l’art contemporain. Après avoir vécu à Marseille et Aix-en-Provence, ils décident de revenir dans le Lot, à la suite d’une résidence d’artiste à Saint-Cirq-Lapopie, « avec l’envie de participer au maillage culturel du territoire, en proposant un projet qui a du poids ». En 2019, ils rachètent une ancienne pouponnière à l’abandon, propriété des Hôpitaux de Cahors : un lieu atypique, qui accueille déjà plusieurs ateliers d’artiste, et bientôt des résidences, à découvrir avant tout le monde !

Aria Maillot, la Bouillonnante, Toulouse (31)

Aria Maillot vient du monde de la cuisine et a beaucoup voyagé avant de revenir à Toulouse, sa ville natale, pour intégrer l’Isdat. Elle a gardé de ses expériences passées une curiosité pour les processus de transformation de la matière organique qu’elle expérimente dans ses installations et peintures. Diplômée en 2023, elle occupe aujourd’hui un atelier dans le tiers lieu la Bouillonnante, grâce au groupement d’artistes G.A.R.R.A.G.E. : des conditions idéales pour se lancer, avant de penser à repartir peut-être…

Réalisé et publié par la revue Ramdam